- NAVALES (CONSTRUCTIONS)
- NAVALES (CONSTRUCTIONS)Le navire est sans doute le moyen de transport le plus ancien; son évolution technologique a été lente et régulière des premiers radeaux à rames aux grands voiliers des XVIIe et XVIIIe siècles. L’apparition de la propulsion mécanique, l’invention de l’hélice et la généralisation de la construction métallique ont provoqué au XIXe siècle une véritable révolution dans le transport maritime. Depuis 1960, la technologie du navire s’est à nouveau engagée dans une phase d’évolution rapide, provoquée par la croissance accélérée des échanges intercontinentaux et par la recherche de la rentabilité. Non seulement les besoins de navires s’en sont trouvés accrus, mais encore la gamme des types s’est fortement étendue.L’industrie de la construction navale a suivi une évolution parallèle. Longtemps considérée comme un art, elle ne devint une science que dans un passé récent. Cette industrie, essentiellement de montage, conservait encore vers le milieu du XXe siècle un caractère artisanal; elle allait le perdre rapidement avec la production de masse imposée par la révolution des transports maritimes, à laquelle elle n’a pu faire face qu’en adoptant les méthodes de la grande industrie moderne. Aujourd’hui, la construction navale, tant dans le domaine des procédés de fabrication que dans celui de la conception, constitue un carrefour remarquable des techniques les plus élaborées.Le marché sur lequel les constructeurs de navires du monde entier écoulent leur production est soumis à des fluctuations conjoncturelles souvent de grande amplitude. C’est ainsi qu’actuellement le marasme persistant de l’économie mondiale a considérablement ralenti les échanges par mer, et par conséquent les besoins de l’armement international en navires neufs. Cette évolution a engendré une surcapacité d’équipements dans les chantiers et plongé l’industrie dans une crise grave qui ne pourra être surmontée qu’avec la reprise attendue de l’activité industrielle dans le monde. Cependant, au-delà de ces fluctuations conjoncturelles, le marché des constructions neuves est, sur le long terme, caractérisé par des tendances expansionnistes dues en particulier à des facteurs permanents de croissance tels que l’augmentation continue de la population du globe et l’élévation du niveau de vie général des peuples.La construction navale, au contraire de certaines autres industries dont la décadence s’accentue avec le progrès technique, apparaît ainsi comme l’une des plus anciennes activités, dont l’essor ne peut que se poursuivre.1. Domaine d’activité et caractéristiques généralesToutes les grandes nations maritimes possèdent des centres de construction et des centres de réparation pour les navires de commerce et les navires de guerre.La production de navires neufs constitue l’activité principale des chantiers. Certains d’entre eux, du fait de leur situation dans les ports, exercent aussi une activité de réparation navale, concuremment avec les sociétés spécialisées dans cette branche. Plusieurs autres possèdent un département de mécanique et de chaudronnerie, dans lequel sont fabriqués des appareils propulsifs et des auxiliaires, destinés à leurs propres constructions ou à celles exécutées par leurs concurrents; mais la tendance actuelle des chantiers est d’abandonner ces fabrications pour se consacrer presque exclusivement au montage des navires. L’activité de construction neuve est, en majeure partie, orientée vers la satisfaction des besoins de la flotte de commerce. Dans certains chantiers, cette activité s’exerce également pour le compte des marines militaires nationales ou étrangères. Enfin, l’exploitation industrielle des océans constitue, pour les constructeurs, un marché aux multiples besoins: d’une part, dans le domaine de la pêche (bâtiments de pêche et navires-usines destinés à traiter le poisson en mer), d’autre part, dans le domaine de l’exploration et de l’exploitation des richesses du plateau continental, où l’activité principale est actuellement tournée vers les hydrocarbures (plates-formes de forage, navires ravitailleurs de plates-formes).Schématiquement, un chantier naval est une usine de construction métallique, où sont produits les éléments constituant la structure du navire, à laquelle est adjointe une entreprise générale qui procède aux travaux d’armement. Le montage des coques est exécuté soit à l’horizontale dans un bassin dit forme de construction, soit sur une aire inclinée appelée cale. Dans le cas de la construction en forme, la mise à l’eau des coques se fait par remplissage de la forme; en revanche, la construction sur cale nécessite une opération de lancement, consistant essentiellement à disposer, sous le navire, une ou plusieurs coulisses enduites de matière grasse, sur lesquelles glissera la coque une fois libérée de ses attaches à la cale. Les travaux d’armement comprennent le montage des emménagements, de l’appareil propulsif et des divers équipements nécessaires aux opérations de manutention et d’arrimage de la cargaison, à la navigation, à la sécurité et à la vie de l’équipage. La main-d’œuvre d’un chantier naval comporte donc, normalement, de nombreux spécialistes: traceurs, charpentiers-monteurs, formeurs, soudeurs, pour la coque; menuisiers, tuyauteurs, électriciens, serruriers, chaudronniers, mécaniciens, peintres, gréeurs, pour l’armement; conducteurs d’engins divers (grues, ponts roulants, tracteurs), élingueurs et manœuvres, pour la manutention des éléments du navire aux différents stades de la construction. En règle générale, le chantier assure avec son personnel les opérations de préparation des matériaux, de préfabrication et d’assemblage des coques et sous-traite, suivant des usages qui lui sont propres, tout ou partie de certains travaux d’armement.2. Évolution de l’infrastructure des chantiersLe montage des coques était, avant la Seconde Guerre mondiale, exécuté, élément par élément, à partir des tôles et profilés tracés et usinés dans des ateliers situés dans le voisinage immédiat des cales, et assemblés par rivetage. Cette méthode nécessitait un nombre important de cales, celles-ci étant équipées de moyens de levage de faible puissance (grues de 3 à 10 t, en général). Après mise à l’eau, la coque était amarrée à un quai où l’on procédait aux travaux d’armement. Les deux phases de construction, coque et armement, étaient donc distinctes et exécutées successivement dans le temps; il ne fallait pas moins de dix-huit mois (dix mois sur cale et huit mois à quai) pour construire les plus grands cargos de l’époque (port en lourd inférieur à 10 000 t).Après la Seconde Guerre mondiale, les méthodes de construction se sont profondément modifiées avec le développement de la soudure pour l’assemblage des éléments en remplacement du rivetage, avec, comme corollaire, le montage par blocs préfabriqués. Ces techniques, utilisées par les Américains pendant les hostilités pour la réalisation de navires en série, s’imposèrent rapidement à tous les constructeurs et modifièrent profondément l’infrastructure des chantiers. Elles entraînèrent une réduction de la durée de séjour sur les cales, et, partant, une diminution du nombre de celles-ci; elles nécessitèrent de vastes terre-pleins et de nouveaux ateliers pour les opérations de soudure, de stockage et de préparation des blocs avant montage, et un équipement de ces cales, ateliers et terre-pleins en engins de levage lourds: la puissance de ceux-ci, qui est de 60 à 80 tonnes dans un chantier constructeur de moyen tonnage, atteint actuellement plus de 800 tonnes pour les portiques desservant les formes des plus grands constructeurs. À mesure que la production des chantiers augmentait, la nécessité de la rationaliser à tous ses stades aboutit à la création d’une chaîne continue de fabrication, depuis le parc de stockage des matières métalliques brutes jusqu’au montage, équipée des moyens les plus modernes pour la manutention (portiques et ponts roulants à sommier magnétique, convoyeurs à rouleaux mécanisés, tracteurs et remorques de grande puissance) et pour l’élaboration des tôles et profilés et des préfabriqués (notamment machines à découper sur gabarits, machines à souder automatiques).Avec l’accroissement de la taille des navires, le montage des coques en forme de construction s’est largement développé; cette technique est plus économique et supprime les aléas inhérents aux lancements de coques de fort tonnage; mais une forme de construction représente un investissement de 4 à 5 fois supérieur à celui d’une cale. Aussi, en règle générale, seuls les constructeurs de grands navires possèdent-ils de tels équipements.3. Processus de réalisation d’une commande de navireL’appel d’offres et la signature du contratUn armateur, désireux de commander un navire pour le trafic qu’il a décidé d’assurer, lance, directement ou par l’intermédiaire d’un courtier, auprès des chantiers nationaux ou internationaux de son choix, une consultation plus ou moins détaillée, préparée par son propre bureau d’études ou celui d’un architecte naval indépendant.Après avoir établi un devis de poids et un devis de prix, chaque constructeur remet à l’armateur sa soumission, comprenant un dossier technique, et les conditions de vente: prix forfaitaire du navire, ferme ou avec formule de révision de prix, délai de livraison, conditions de paiement, éventuellement crédit après livraison, etc. L’armateur engage alors avec le chantier choisi la négociation du contrat de construction.La préparation du travailDès la signature de la commande, le chantier entreprend l’étude complète du navire à partir des plans généraux et des spécifications jointes au contrat. Il fera d’abord vérifier, si nécessaire, par des essais de remorquage et d’autopropulsion sur modèle à échelle réduite, dans un bassin d’essais des carènes, si les formes de coque, la puissance de l’appareil propulsif et l’hélice prévues permettront de réaliser au réel les performances inscrites au contrat.Les plans détaillés d’exécution, suivant leur nature, sont soumis à l’approbation soit de l’armateur, qui vérifie leur concordance avec le programme envisagé et les usages de sa compagnie, soit de la société de classification choisie en commun, qui contrôle la conformité des plans avec ses propres normes en vue de délivrer les certificats de qualité du navire, soit de l’Administration maritime, chargée de faire respecter les règlements internationaux de sécurité en mer ainsi que les règlements particuliers au pays de référence et d’établir les certificats de navigabilité et de sécurité.Au fur et à mesure de l’élaboration des plans, les matériels et matières premières nécessaires à la construction sont commandés par le service des achats; celui-ci reçoit des bureaux d’études les spécifications et négocie avec les sous-traitants les meilleures conditions de prix et de délai en fonction du programme général de montage du navire. Le respect de ces délais est très important car il conditionne le déroulement optimal de la fabrication et le délai de livraison. Les plans et commandes de matériel sont ensuite envoyés dans les sections de préparation du travail et d’ordonnancement chargées d’établir, pour les ateliers, les dossiers d’exécution comprenant les plans, les nomenclatures de matières et les bons de sortie du magasin, les gammes de montage, et, éventuellement, le calcul des temps correspondants, les dates d’achèvement.Le montage de la coqueAutrefois, le traçage des matériaux était exécuté à la main, au moyen de gabarits en latte de bois mince, constitués à partir d’un tracé à la salle des formes de coque en vraie grandeur sur un plancher, dont les dimensions pouvaient donc atteindre 200 mètres sur 50. Vers 1950 apparut le tracé au dixième, en bureau d’études, dont les éléments photographiés à l’échelle 1/100 étaient projetés optiquement à l’échelle 1/1 sur les matériaux, les traceurs matérialisant au pointeau et à la peinture les indications de la projection. À la fin des années 1960, les dessins au dixième sont directement utilisés dans les machines d’oxycoupage, guidées dans leurs mouvements par une cellule photoélectrique qui suit le tracé du dessin. Aujourd’hui, les techniques les plus modernes font appel à l’emploi d’ordinateurs, dont les programmes permettent d’exécuter tous les calculs de coque et le tracé de leurs formes et de fournir directement sur bandes perforées aux machines les données numériques nécessaires à l’usinage des matériaux. Ainsi, les opérations de traçage manuel ont été progressivement éliminées.Dans la plupart des grands chantiers, les matériaux métalliques, à leur sortie des parcs et avant leur entrée dans les ateliers, sont décalaminés par grenaillage et revêtus d’une couche de protection au zinc, dans une unité entièrement mécanisée, qui constitue le premier élément de la chaîne de production (certaines aciéries, toutefois, livrent tôles et profilés ainsi traités); les matériaux pénètrent aussitôt dans les ateliers d’usinage où ils sont découpés et mis en forme; classés sur une aire de stockage intermédiaire, ils sont envoyés ensuite aux ateliers de préfabrication d’où sortent des blocs dont la dimension et le poids sont déterminés par les possibilités de manutention du chantier et par le rythme de montage sur cale (ou en forme). Pour les très grands navires, la préfabrication des blocs formés est séparée de celle des panneaux plans, ce qui permet d’organiser pour ceux-ci une chaîne de production hautement mécanisée et automatisée dans un atelier spécialement conçu à cet effet. Les blocs préfabriqués sont ensuite stockés sur terre-pleins avant leur montage suivant le programme prévu; ces préfabriqués font parfois l’objet d’un prémontage sur une aire (ou dans un atelier à toit ouvrant) située en tête ou le long de la cale (ou de la forme) et desservie par les grues ou portiques de montage; ce prémontage, dans la limite permise par la puissance des engins de levage, réduit au minimum possible la durée d’occupation de la cale (ou de la forme).Les travaux d’armementContrairement aux errements anciens, les travaux d’armement commencent pratiquement en même temps que ceux de coque. Préparés tout d’abord dans les ateliers spécialisés, préfabriqués dans la mesure du possible, la plupart des éléments d’équipements du navire sont montés dans les blocs de coque au cours de la préfabrication. Ces travaux d’armement se poursuivent pendant le montage sur cale (ou en forme). Aussi, à la mise à l’eau, ceux-ci sont-ils très avancés; le séjour à quai est donc de courte durée.En fin de construction, on procède, à quai, à des essais complets de toutes les installations du bord, y compris de l’appareil propulsif au point fixe. Les essais de recette en mer comportent un essai d’endurance et un essai à puissance maximale de l’appareil propulsif, avec mesure de la vitesse sur bases, et divers essais de manœuvrabilité. Après résultats satisfaisants, la recette est prononcée par l’armateur, qui met aussitôt son navire en exploitation.L’emploi des ordinateursLes techniques nouvelles de construction des navires ont considérablement raccourci les temps de montage. Les records de durée sont, à la fin de 1970, de l’ordre de vingt semaines pour un pétrolier de 250 000 tonnes et de sept semaines pour un cargo de 15 000 tonnes produit en série, depuis la pose du premier bloc sur cale jusqu’à l’achèvement du navire. Aussi ces processus accélérés de construction exigent-ils une préparation du travail très poussée, des études prêtes à l’avance, des approvisionnements en temps voulu et un déroulement des opérations de montage suivant un ordonnancement qui nécessite désormais l’intervention d’ordinateurs.L’ordinateur est devenu ainsi un outil indispensable pour le constructeur; celui-ci l’utilise notamment pour ses problèmes de gestion, pour la programmation de ses fabrications, pour tous les calculs de coque, la détermination des formes de carènes, l’échantillonnage des structures et le tracé des matériaux.4. Le marché internationalAspects économiquesAprès une période de forte croissance de 1960 à 1973, à un taux annuel moyen de 7 p. 100, les transports par mer ont été, à partir de 1974, affectés par la crise économique mondiale et notamment par la quasi-stagnation du transport par mer de pétrole brut, conséquence de la hausse brutale de son prix. Le secteur des marchandises sèches, par contre, a poursuivi sa progression en conservant un rythme analogue à celui précédemment observé, rythme qui était du reste beaucoup plus faible que celui constaté pour le pétrole avant 1974.Ce ralentissement des transports par mer n’a pas empêché cependant l’apparition, dans certaines zones, de nouveaux trafics et la poursuite des progrès techniques que nécessite la mise en service de nouveaux types de navires.La croissance de la flotte mondiale qui s’était accélérée avant la crise, notamment dans le secteur pétrolier en raison de la spéculation de certains armateurs, s’est considérablement ralentie.Au cours de la décennie 1981-1990, les besoins de tonnage neuf de la flotte mondiale se sont donc réduits, et l’activité de la construction navale a subi une forte récession depuis 1976. En tonneaux de jauge brute, la baisse de la production mondiale a été considérable puisque de plus de 34 millions pour l’année record 1975, cette production est tombée légèrement au-dessus de 13 millions en 1980. En réalité, la baisse d’activité de la construction navale mondiale a été un peu inférieure à 50 p. 100 car le nombre d’heures de travail consacrées à la réalisation d’un tonneau de jauge brute est plus faible pour un grand navire que pour un navire de tonnage moyen. Or, dans la production record de 1975, la part relative des très grands pétroliers était considérable.L’ensemble des experts s’accorde à penser que la production de tonnage neuf connaîtra nécessairement une reprise et que l’industrie de la construction navale mondiale devrait retrouver, après récession, un niveau d’activité analogue à celui qu’elle connaissait avant la crise. Dans l’avenir prévisible, le navire restera en effet le seul moyen d’acheminer les transports de masse intercontinentaux qui seront toujours nécessaires dans le domaine de l’énergie et des matières premières.Les nouvelles contraintes économiques, en particulier la nécessaire réduction des consommations d’énergie, tendent à accélérer l’obsolescence des navires, même de construction récente, et obligeront les armateurs à renouveler plus rapidement que prévu une grande partie du tonnage existant.L’augmentation rapide des tailles unitaires des navires qui avait été notée depuis 1960 semble avoir atteint un sommet en ce qui concerne les navires-citernes, dès lors que leurs trafics ne sont plus orientés à la croissance.Soulignons que c’est en France qu’ont été produits, de 1976 à 1979, les quatre plus grands pétroliers du monde, d’un port en lourd unitaire de 550 000 tonnes. Depuis 1981, le plus grand pétrolier du monde a un port en lourd de 563 000 tonnes, mais ce navire a été en fait réalisé par allongement d’un navire existant de plus faible tonnage.La multiplication des types de navires qui avait caractérisé les précédentes décennies se trouve ralentie. Toutefois, l’évolution technologique et la nécessité pour les armateurs d’accroître la productivité de leur flotte conduisent à modifier et améliorer les types existants et à créer, dans certains cas, des navires polyvalents combinant les possibilités de différents types.Par ailleurs, les chantiers navals diversifient leur production et, en dehors des navires de commerce, sont conduits à produire un nombre croissant d’engins de plus en plus complexes destinés à l’exploration et à l’exploitation des océans.Les bureaux d’études des chantiers doivent donc toujours être en mesure de mettre en œuvre des techniques dont la complexité va croissant. La construction navale n’est par conséquent nullement menacée par l’évolution technologique et économique mondiale. Elle apparaît au contraire comme une industrie de pointe caractérisée par un important potentiel d’expansion.Aspects commerciauxL’industrie de la construction navale est soumise entièrement à des conditions de vente imposées par la confrontation de l’offre et de la demande globales des constructions neuves. Le navire est un instrument du commerce mondial qui opère en permanence hors des frontières et n’est pas susceptible, sauf dans quelques pays, d’être frappé de droits de douane. Les armateurs, qui eux aussi sont placés dans un contexte de concurrence à l’échelle de la planète, doivent en effet être en mesure de passer leurs contrats aux prix et aux conditions de paiement en vigueur sur le marché international au moment de la commande. En outre, le navire, au contraire des autres produits industriels, ne bénéficie d’aucune de ces protections indirectes, mais fort efficaces, constituées par les frais de transport à destination, de distribution ou de livraison. Il en résulte une absence de protection géographique, qui confère au marché des constructions neuves une fluidité qui va en s’accentuant avec le développement des communications; l’armateur commande donc là où les conditions offertes sont les meilleures.Les chantiers navals du monde entier vendent ainsi la totalité de leur production au sein de cette zone de libre-échange que constituent pour eux les nations maritimes et les océans. Il en résulte que le niveau des prix de vente et les conditions de paiement tendent, à chaque instant, à s’aligner sur les propositions émanant du groupe de chantiers situé dans l’économie nationale où les coûts de production sont les plus bas, dès lors que ce groupe représente une fraction non négligeable de l’offre potentielle et que ses références techniques et commerciales sont suffisamment établies. En revanche, les conditions de production des chantiers restent soumises à des facteurs propres à l’économie nationale, notamment dans les domaines financier, fiscal et social: c’est pour parer à ces disparités que les gouvernements des pays maritimes, dans leur quasi-totalité, ont été amenés à instituer des protections à la construction navale de leurs pays. Ce comportement, bien mis en évidence par la situation de crise qui règne depuis 1975, montre l’importance que les pouvoirs publics attachent à la possession d’une industrie navale nationale.5. Une industrie mondialeLe fait majeur de la décennie 1961-1970 sur le marché des constructions neuves avait été l’intervention rapide et massive des chantiers japonais. Ceux-ci avaient réussi à produire, en effet, dès 1968, près de la moitié du tonnage mondial alors que leur part ne dépassait pas 20 p. 100 en 1959. Entre 1970 et 1975, la construction navale japonaise a considérablement modernisé son outil de production en procédant à des investissements importants, notamment pour pouvoir produire en grandes séries des pétroliers géants.À la veille de la crise, l’activité de la construction navale mondiale se répartissait, en nombre d’heures travaillées, à raison de 40 p. 100 au Japon, 40 p. 100 en Europe occidentale et 20 p. 100 dans le reste du monde. Depuis 1975, le Japon a réussi à préserver sa part du marché, alors que celle de l’Europe occidentale a été réduite et que l’on assiste à l’accroissement de celle du reste du monde. Dans ce dernier groupe se détachent actuellement certains constructeurs d’Extrême-Orient et notamment de Corée du Sud qui est le seul pays, au début de la décennie 1981-1990, à procéder à des investissements massifs pour s’équiper de nouveaux chantiers ultra-modernes à un moment où l’industrie mondiale reste en état de très large surcapacité.Dans les pays producteurs traditionnels de l’Europe occidentale, et même au Japon, cette période de crise a entraîné, au contraire, de fortes réductions de capacité et de larges interventions des États qui ont provoqué d’importantes restructurations. C’est ainsi que la construction navale, dans des pays comme la Suède et la Grande-Bretagne, a été nationalisée et réunie en un seul groupe.La France a vu les effectifs de son industrie diminuer de 30 000 à 24 000 personnes environ et sa position dans le monde passer de la 5e à la 9e. Cependant, il convient de souligner que, d’un point de vue qualitatif, la production française reste beaucoup plus importante qu’elle n’apparaît, mesurée en tonneaux de jauge brute. En effet, la quasi-totalité des navires produits par les grands chantiers français sont des unités très sophistiquées: transporteurs de gaz et de produits chimiques, paquebots, porte-conteneurs et navires rouliers.Les constructeurs français de petits navires ont acquis de leur côté une réputation internationale dans la fabrication de navires de pêche et en particulier de thoniers senneurs, ainsi que de patrouilleurs lance-missiles destinés à des marines militaires étrangères.La construction navale française est ainsi en mesure d’offrir aux armateurs français et étrangers tous les types de navires, quelles que soient leur taille ou la complexité des techniques que nécessite leur réalisation.
Encyclopédie Universelle. 2012.